Acheter un bien immobilier en Espagne : les erreurs à éviter pour les acquéreurs français

Chaque année, des milliers de Français passent les Pyrénées pour concrétiser un projet immobilier : résidence secondaire, investissement locatif ou installation permanente.

Les prix attractifs et le cadre de vie séduisent, mais la réglementation espagnole diffère sensiblement du droit français. Pour sécuriser votre achat, gardez à l’esprit les quatre pièges suivants.

Contrat de réservation (« contrato de arras ») : une promesse libre mais fortement engageante

En Espagne, le contrato de arras tient lieu de compromis de vente, mais il s’en distingue sur trois points essentiels :

Liberté contractuelle totale. Contrairement au compromis français, très encadré par le Code civil et la pratique notariale, le contrat d’arras est rédigé sous seing privé ; les parties fixent elles-mêmes les règles qui gouverneront la vente. La moindre clause mal formulée peut donc se retourner contre l’acheteur… ou contre le vendeur.

Nature « pénitentielle ». Dans 90 % des cas, il s’agit d’arras penitenciales : chacune des parties peut se désister, mais avec sanction financière :

  • L’acheteur renonce ?Il perd définitivement l’acompte versé (généralement 10 % du prix).
  • Le vendeur se rétracte ?Il doit restituer le double de cet acompte.
    Cette pénalité est automatique ; aucune négociation n’est possible après coup.

Absence de clauses suspensives implicites. Aucune condition (obtention de prêt, délivrance de licence, purge d’une hypothèque) n’est prévue par défaut. Si vous ne les inscrivez pas noir sur blanc, elles n’existent pas.

Réflexe indispensable : faites rédiger ou, a minima, relire ce contrat par un avocat franco-espagnol. Une fois signé, le retour en arrière sans pénalité devient presque impossible et les juges se montreront intraitables — le principe de liberté contractuelle étant souverain.

Vérifications urbanistiques et techniques : une étape décisive, souvent sous-estimée

En Espagne, surtout dans les zones côtières ou rurales, il n’est pas rare qu’un logement ait été agrandi, divisé en studios ou doté d’une terrasse fermée sans jamais être régularisé au registre de la propriété. L’administration fonctionne beaucoup par déclaration responsable : tant qu’aucun contrôle n’est déclenché, l’irrégularité dort… jusqu’au jour où l’acheteur découvre qu’il ne peut ni louer ni revendre sans mettre le bien aux normes – parfois sous menace d’une amende ou, pire, d’un ordre de démolition différée.

Pourquoi la prudence est indispensable

  1. Réglementations régionales hétérogènes.L’Espagne n’a pas une mais dix-sept législations urbanistiques ; ce qui est toléré à Valence peut être sanctionné en Andalousie. Il faut donc vérifier la norme autonómica et, souvent, un plan urbanístico municipal encore plus strict.
  2. Divergence entre registre et réalité.La surface inscrite au Registro de la Propiedad peut ignorer un sous-sol aménagé ou une surélévation, tandis que le Catastro affiche parfois d’autres chiffres. Ce décalage suffit à bloquer un prêt hypothécaire ou l’obtention d’une licence touristique.

Documents à exiger avant d’engager les arrhes

  • Certificat d’urbanisme municipal(certificado urbanístico ou informe de compatibilidad urbanística) : prouve la conformité du bien et l’absence de procédure d’infraction ouverte.
  • Licencia de primera ocupación / cédula de habitabilidad : atteste que la construction a été réceptionnée et déclarée habitable dans les règles.
  • Certificado de no infracción urbanística : indispensable pour les maisons rurales ou agrandissements récents, il confirme qu’aucune sanction administrative n’est en cours.
  • Licencia turística (VT/VUT)ou certificat de capacité locative : obligatoire si vous comptez louer le bien en courte durée.
  • Nota simple informativadu registre + certificado de cargas : révèlent hypothèques, servitudes, litiges ou embargos affectant le bien.
  • Planos visés par la mairieet reçu de taxe foncière (IBI) : vérifient la surface officielle et l’adresse cadastrale.

Bon réflexe : obtenez ces pièces avant de verser les arrhes, ou faites-en des conditions suspensives explicites dans le contrat. Ainsi, si l’un des documents révèle une irrégularité ou n’est pas délivré à temps, vous pourrez vous retirer sans perdre votre acompte.

Le rôle (limité) du notaire espagnol

Le notario authentifie la vente et l’inscrit au registre ; il n’examine pas la conformité urbanistique. Si un balcon illégal surgit sur les plans le jour de l’acte, il consultera… mais signera si les parties le souhaitent. C’est donc à votre avocat spécialisé d’orchestrer les demandes de certificats, de confronter Catastro et Registro, et d’alerter sur tout risque. Sans cette diligence préalable, l’acheteur hérite du problème et des sanctions potentielles – avec, comme seule perspective, de longs mois de régularisation ou une coûteuse remise en état.

Fiscalité et succession : repères essentiels, sans entrer dans les chiffres

Acheter, détenir, revendre ou transmettre un bien espagnol déclenche trois temps fiscaux que tout acquéreur non-résident doit connaître ; les taux exacts changent d’une communauté autonome à l’autre, mais la logique reste la même.

À l’achat. Un logement neuf supporte la TVA espagnole et un droit d’actes juridiques ; un logement ancien est frappé par l’impôt sur les transmissions patrimoniales. S’y ajoutent les frais notariés, d’enregistrement et, idéalement, d’avocat. Les pourcentages varient selon la région ; prévoyez-les dans votre budget avant de signer.

Pendant la détention. Chaque année, vous paierez l’impôt foncier local (IBI) et, le cas échéant, une taxe sur les déchets. Si vous louez, vous serez imposé en Espagne sur les loyers nets ; même sans location, un revenu fictif peut être taxé pour l’usage personnel du bien. En France, ces revenus et la valeur du bien doivent aussi être déclarés, mais un crédit d’impôt neutralise la double imposition.

À la revente. Deux fiscalités s’additionnent : la plus-value municipale, calculée sur la hausse de valeur cadastrale du terrain, et l’impôt d’État sur le gain net réalisé. L’acheteur retient systématiquement une partie du prix pour garantir le paiement de l’impôt si vous êtes non-résident.

Transmission et succession. L’impôt espagnol sur les successions est régionalisé : abattements et réductions varient fortement d’une communauté autonome à l’autre. Les héritiers disposent de six mois pour déclarer et payer ; l’administration française octroie ensuite un crédit d’impôt équivalent. Un testament bilingue ou une donation transfrontalière bien préparée évite les mauvaises surprises.

En pratique : évaluez le coût fiscal global avant l’achat, conservez vos factures de travaux pour alléger la plus-value future, et anticipez la protection de vos héritiers. Un conseil biculturel vous aidera à naviguer entre règles françaises et espagnoles sans tomber dans la double imposition ou les pénalités de retard.

L’essentiel à retenir

Conclure seul, sans conseil indépendant, revient à naviguer sans boussole ; chaque étape – de la promesse d’achat à la fiscalité successorale – recèle des spécificités locales. S’entourer d’un avocat bilingue maîtrisant les pratiques des deux pays garantit la tranquillité d’esprit et la pérennité de votre investissement espagnol.

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