Succession transfrontalière entre la France et l’Espagne : anticipation et règlement

De plus en plus de familles franco-espagnoles et de Français possédant un bien en Espagne sont confrontés à la question délicate de la succession transfrontalière.

Comment préparer la transmission de son patrimoine entre deux pays aux systèmes juridiques et fiscaux différents ? Et quelles démarches entreprendre lorsque la succession s’ouvre, pour régler les formalités tant en France qu’en Espagne ? Cet article vous propose un tour d’horizon clair et structuré des enjeux de la succession franco-espagnole.

Anticiper une succession entre la France et l’Espagne

Anticiper sa succession est primordial pour éviter les conflits de lois ou de famille et optimiser la transmission de son patrimoine franco-espagnol. La première question à se poser est celle de la loi applicable à la succession. En Europe, un règlement communautaire unifie depuis 2015 les règles de détermination de la loi successorale : en principe, c’est la loi du pays de la dernière résidence habituelle du défunt qui s’applique à l’ensemble de la succession (biens mobiliers et immobiliers).

Cependant, ce même règlement offre la possibilité au futur défunt de choisir par testament la loi de sa nationalité pour régir sa succession. Autrement dit, un Français ayant des attaches en Espagne ou y résidant peut décider que ce sera le droit français – et non espagnol – qui définira la dévolution de ses biens. Ce choix de loi, appelé professio juris, doit être exprimé de manière claire dans un testament rédigé avec soin.

Il permet souvent de simplifier la succession ou de préserver les droits du conjoint survivant et des enfants, en évitant l’application automatique du droit local. En effet, si aucune disposition n’est prise, un Français installé durablement en Espagne pourrait voir sa succession soumise au droit espagnol, y compris pour ses biens situés en France.

 

Rédiger un testament adapté constitue en effet le pivot de l’anticipation d’une succession internationale. Idéalement, le testament mentionnera explicitement la loi choisie pour l’ensemble de la succession. Ce testament peut être établi en France (éventuellement sous la forme d’un testament authentique chez un notaire, ou international) et sera valable en Espagne à condition de respecter certaines formalités (traduction assermentée, éventuelle légalisation).

Il est parfois recommandé de rédiger deux testaments complémentaires, l’un en France et l’autre en Espagne, surtout si l’on possède des biens importants dans chaque pays. Naturellement, si l’on opte pour deux testaments, il faut veiller à ce qu’ils ne se contredisent pas et qu’ils se réfèrent l’un à l’autre, afin d’éviter toute confusion. Un notaire habitué au droit international pourra vous orienter sur la meilleure stratégie : testament unique couvrant tous les biens ou testaments distincts par pays, selon votre situation. Dans tous les cas, clarifier ses dernières volontés à l’avance réduit considérablement les risques de désaccords entre héritiers et de procédures compliquées après le décès.

Au-delà du choix de loi et du testament, une planification successorale globale est vivement conseillée pour optimiser la transmission du patrimoine franco-espagnol. Il s’agit d’anticiper tant les aspects juridiques que fiscaux de la succession. Sur le plan juridique, différentes options peuvent être envisagées en fonction de la composition de la famille et des biens : conclure un pacte successoral (si le droit choisi le permet) pour organiser la répartition à l’avance, procéder à des donations de son vivant (par exemple donner la nue-propriété d’un bien immobilier à ses enfants tout en en conservant l’usufruit), ou encore ajuster son régime matrimonial pour protéger le conjoint.

Ces outils, bien utilisés, permettent d’éviter certaines complications et d’assurer que chaque bénéficiaire recevra ce qui est prévu, sans contestation possible. Comme le souligne la pratique notariale, « le meilleur moyen d’éviter les difficultés liées à une succession internationale reste… de l’anticiper ! ». N’hésitez donc pas à faire un bilan successoral en amont avec un notaire ou avocat spécialisé, qui pourra établir une stratégie sur mesure.

Sur le plan fiscal, anticiper une succession franco-espagnole consiste à se renseigner sur les règles d’imposition dans chaque pays et à en tirer parti pour réduire la charge fiscale des héritiers. La fiscalité des successions diffère en effet grandement entre la France et l’Espagne.

En Espagne, l’impôt sur les successions et donations (ISD) est régi par les communautés autonomes : chaque région espagnole fixe ses propres taux et abattements, ce qui crée des disparités importantes selon l’emplacement des biens. Par exemple, à Madrid les héritiers en ligne directe bénéficient d’une quasi-exonération (abattements pouvant atteindre 99%), tandis que d’autres régions, comme par exemple la Catalogne, appliquent des barèmes plus élevés.

Enfin, une préoccupation majeure en succession internationale est le risque de double imposition. La France et l’Espagne ont conclu une convention fiscale bilatérale (datant de 1963) pour éviter cette double imposition. Cette convention établit des règles de répartition de l’impôt entre les deux États et d’assistance mutuelle. Par exemple, il est prévu que les biens immobiliers dépendant de la succession ne soient imposables qu’dans l’État où ils sont situés, même si le défunt était résident de l’autre État.

Concrètement, cela signifie qu’un appartement en Espagne hérité par un Français sera uniquement soumis à l’impôt espagnol, et qu’il n’y aura pas de droits de succession français sur ce bien-là. De même, un bien immobilier en France ne sera taxé qu’en France même si le défunt vivait en Espagne.

En cas de décès, les héritiers doivent rapidement faire appel à un notaire en France. Celui-ci vérifie l’existence de testaments (français ou espagnols), établit l’acte de notoriété, et demande les documents nécessaires : acte de décès (si possible plurilingue), certificat des dernières volontés espagnol, inventaire des biens en France et en Espagne. La traduction de certains documents est souvent requise.

Lorsque des biens sont situés en Espagne, un notaire et un avocat spécialisé doivent intervenir. Ils rédigeront l’acte de partage local et procèderont aux formalités de mutation. Chaque pays conserve ses propres règles de forme et de procédure, même si la loi applicable à la succession est unique.

Ce certificat, délivré par le notaire en charge de la succession, permet de faire reconnaître les droits des héritiers dans tous les pays de l’UE. Il facilite grandement les démarches auprès des administrations espagnoles, sans besoin de traductions ou d’apostilles multiples.

Les héritiers doivent déclarer la succession dans chaque pays : en Espagne dans un délai de six mois (avec possibilité de prorogation), en France sous six à douze mois selon le lieu du décès. La convention fiscale entre les deux pays évite la double imposition, mais impose une bonne coordination et le respect des délais.

Après l’attribution des biens, il faut mettre à jour les registres fonciers (notamment en Espagne), payer les impôts locaux éventuels (comme la plus-value municipale), et envisager la gestion ou la vente du bien. Obtenir un NIE est souvent nécessaire pour les héritiers français.

Régler une succession franco-espagnole : démarches pratiques

Malgré toutes les précautions, le moment venu, il faudra régler concrètement la succession dans les deux pays. Une succession transfrontalière fait intervenir des autorités et formalités dans chaque État, qu’il convient de coordonner. Voici les grandes étapes et conseils pour mener à bien le règlement d’une succession entre la France et l’Espagne.

Conclusion :
l’importance d’un accompagnement professionnel

En conclusion, une succession franco-espagnole bien menée passe par une anticipation rigoureuse et une exécution coordonnée. En amont, la rédaction d’un testament clair prévoyant la loi applicable, combinée à une planification patrimoniale et fiscale judicieuse, permet de préserver les volontés du disposant tout en protégeant les intérêts du conjoint et des héritiers. Au moment du décès, le respect des formalités dans chaque pays est essentiel pour éviter retards et tracas. Grâce au cadre européen actuel, de nombreux obstacles juridiques ont été levés (choix de loi simplifié, certificat successoral européen reconnu dans toute l’UE, etc.), mais il subsiste des spécificités nationales qu’il faut maîtriser.

Face à cette complexité, s’entourer d’un professionnel du droit franco-espagnol n’est plus un luxe, c’est une nécessité. Qu’il s’agisse d’un notaire habitué aux dossiers transfrontaliers, d’un avocat bilingue spécialisé en successions internationales, ou idéalement des deux, leurs compétences vous feront gagner un temps précieux et éviteront des erreurs coûteuses. Ces experts sauront vous guider à chaque étape, vous expliquer les démarches dans un langage clair, et coordonner les interventions des administrations des deux pays. Comme le rappelle un cabinet spécialisé, il est vivement recommandé de faire appel à des praticiens chevronnés en la matière, capables de conseiller sur les aspects juridiques et fiscaux de la succession, de surmonter les barrières linguistiques et les écarts entre les systèmes français et espagnol.

En somme, que vous soyez un retraité français propriétaire d’une maison sous le soleil ibérique, ou membre d’une famille mixte franco-espagnole, ne laissez pas le sort de votre patrimoine au hasard. Préparez votre succession de façon éclairée, et le moment venu, confiez le règlement à des professionnels compétents. C’est le meilleur gage de sérénité pour vous et vos proches, et d’une transmission de vos biens conforme à vos volontés, de part et d’autre des Pyrénées.

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